vendredi 24 novembre 2017

SOIS PAS RATCHO, PAIE TA PROMO !



Tu veux que je chronique ton disque, ton bouquin, ton fanzine ?
Alors, tu me l'envoies. Le VRAI.
Pas des putains de MP3, CD-R gravés tout miteux ou autres misérables fichiers PDF...

Je veux du concret, du palpable, de l'authentique, "sonnant et trébuchant". Et pas du vent.

D'aucuns m'objecteront que les temps sont difficiles, que le
problème touche en priorité les groupes et autres artistes créateurs qui ont de plus en plus de mal a ne pas perdre d'argent suite a une production. Ils me feront observer que les petits groupes ont du mal à rentrer dans leurs frais lorsqu'ils réalisent un disque ou se produisent sur scène, ou bien encore que les maisons de disques et autres éditeurs  font des économies sur ce qui ne leur semble pas très utile, préférant recentrer leurs efforts promotionnels en ne ciblant que quelques "grands" médias, qu'il s'agisse de magazines pro ou de sites internet à large audience. Du reste, les structures indépendantes vendant leurs productions à des prix modérés (par rapport à ceux que pratiquent les grandes enseignes sur des productions mainstream), je n'allais pas me ruiner en faisant moi-même l'effort... d'acheter. Si je ne le faisais pas, honte éternelle sur moi, puisque je ne soutenais alors pas "la scène", que celle-ci soit musicale ou littéraire.

Désolé, mais je persiste et signe : qu'il soit bien entendu de tous que je ne chroniquerai QUE ce que l'on daignera m'envoyer en promo. C'est une question de principe. Il peut toutefois m'arriver exceptionnellement de le faire pour quelque chose que j'ai acheté, en cas de gros coup de coeur et d'envie de faire partager mon engouement. Mais cela reste l'exception qui confirme la règle, et ce n'est en outre pas demain la veille que je me sentirai obligé de chroniquer ce que j'ai dû banquer. Les prix "modérés" (ce qui reste tout relatif) pratiqués par les labels indés ne changent rien au fait que l'on ne peut quand même pas se permettre de tout acheter. Et ce d'autant moins lorsqu'on n'a objectivement pas une thune. Ce qui est mon cas depuis déjà un moment, et pour quelque temps encore...

Autre objection que l'on m'oppose de temps à autre : compte tenu du faible tirage de leurs productions, les labels et éditeurs seraient ruinés s'ils devaient envoyer gratuitement 50 ou 100 exemplaires promotionnels desdites productions aux chroniqueurs divers de fanzines plus ou moins confidentiels ou d'obscurs sites et blogs  internet. Qu'à cela ne tienne, je leur répondrai que dans ce cas, à l'instar de plusieurs structures existantes -et pas nécessairement parmi les plus grosses- , il leur suffit juste de faire fabriquer 50 ou 100 exemplaires supplémentaires spécifiquement destinés à cet effet, ce qui, tous comptes faits, ne leur revient généralement pas beaucoup plus cher que de faire fabriquer les 300, 500, 1000 ou 2000 exemplaires initialement prévus et destinés à la vente. On me fera difficilement admettre que 350, 550, 1050 ou 2050 exemplaires coutent vraiment beaucoup plus cher à la fabrication que 300, 500, 1000 ou 2000...
Qu'on me permette de rappeler en outre que sans les fanzines, et sans les sites et blogs divers (depuis les deux dernières décennies), l'information ne circulerait que très peu, les petits labels péricliteraient, les salles peineraient à se remplir, et la scène aurait tôt fait de se retrouver réduite à peau de chagrin. Ce ne sont rien de moins que des maillons essentiels de la chaîne, et il convient donc de leur accorder toute la considération qu'ils méritent.
Faire un fanzine, un blog, un site, cela représente aussi un investissement personnel non négligeable, ne serait-ce qu'en termes de temps passé, d'énergie mobilisée et de travail rédactionnel et technique, lorsque cela n'implique pas aussi des charges financières plus ou moins lourdes. Il m'apparait donc légitime et pour le moins logique d'avoir au moins droit à un exemplaire promo de la production que l'on chronique, car c'est la seule forme de "rémunération" (en nature) que l'on perçoit pour son travail. Travail promotionnel dont le résultat, du reste, a pour but d'attirer l'attention sur les prods concernées, et est donc susceptible d'entraîner des ventes supplémentaires chez les lecteurs... Vu ainsi, le coût des envois promo est relatif, puisqu'il peut très bien se voir largement amorti par les ventes suscitées. A chacun de peser le pour et le contre, donc.
L'intérêt de faire un zine ou un webzine, c'est aussi cela : au delà de la simple satisfaction morale d'avoir accompli, créé quelque chose, c'est également celle de se sentir au moins un peu reconnu, et de recevoir quelques trucs gratos en guise de récompense, pour toutes les chroniques, interviews et autres textes que l'on peut pondre afin de promouvoir artistes et labels. Il ne faut pas se mentir, et avoir la franchise de l'admettre. Ceux qui, la main sur le coeur, se défendent avec indignation de toute arrière-pensée de ce type se mentent à eux mêmes, comme ils mentent à ceux qui préfèrent s'auto-persuader de ne voir chez eux qu'une sorte d'élan de dévouement vertueux et totalement désintéressé. En réalité, ce n'est pas ainsi que les choses fonctionnent. Chaque partie doit être gagnante, dans l'affaire; et ce n'est jamais, si l'on y réfléchit bien, que tout naturel. En tout cas, cela me semble aller de soi. C'est ce qui pourrait s'appeler, en quelque sorte, un contrat d'entraide tacite, de type synallagmatique (impliquant une certaine réciprocité).

Concernant le fait de recevoir des disques originaux, on m'a fait remarquer que cela se fait rare de nos jours, et que les temps où cela était chose courante remonteraient à plus de vingt ans. Ici aussi, je dois m'inscrire en faux contre une telle assertion. Cette belle époque des envois promotionnels de VRAIS disques, bouquins, zines etc, elle ne me semble pas si lointaine que cela, pour ma part. Au début des années 2000, j'en recevais encore plein, de toutes parts, au point d'être submergé et de ne plus avoir ni le temps, ni la motivation de tout chroniquer. C'était trop, je ne pouvais tout simplement plus suivre. D'autant plus que je recevais même des trucs de la part de labels et de groupes que je n'avais pourtant jamais sollicités (!). Aujourd'hui, on semble être tombés dans l'excès inverse... Mais ce phénomène ne me semble pas si vieux que cela. Pour ma part, je le fais remonter à une dizaine ou douzaine d'années. Pas plus.

Ceci dit, si l'on rechigne à m'envoyer des nouveautés, ça ne m'empêchera pas de dormir. Tant pis pour ceux qui ne daigneront pas faire cet effort. Qu'ils sachent toutefois qu'ils ne font ainsi que se priver de chroniques potentiellement très positives, et dont l'effet promotionnel n'aurait peut-être pas été tout à fait négligeable. Ce qui est tout de même, on me l'accordera, un peu ballot... Mais bon. Grand bien leur fasse. Il ne faudra cependant pas qu'ils se plaignent si, au final, le succès de leurs productions s'avère très en dessous de ce qu'ils escomptaient. Comme le dit l'adage, on ne fait pas d'omelette sans casser d'oeufs, et donc, en ne consentant qu'à faire parcimonieusement quelques efforts promotionnels minimaux, on n'obtient en  définitive qu'une promotion minimale, pour un impact minimal en termes de ventes. Rien de plus logique.

En ce qui me concerne, après tout, je peux fort bien me contenter de toutes mes "vieilleries". J'ai largement de quoi faire avec tout ce qui a été réalisé au cours des quatre dernières décennies, et donc, si l'on dédaigne le "petit", le misérable gueux que je suis avec mes webzines fauchés,  je pense que je me remettrai assez vite du traumatisme et de la frustration endurés (Humour ^^). J'ai néanmoins la vanité de croire que, ne rédigeant pas trop mal, je n'ai pas pour habitude de pondre des chroniques ou critiques médiocres, bâclées, quelconques ou insipides. Aussi, tout travail méritant salaire, il m'apparait pour le moins évident qu'il vaut bien, en échange, quelques objets originaux dont le coût unitaire de fabrication n'est somme toute que très modeste. J'invite donc les différents acteurs concernés à y réfléchir sérieusement, car c'est, je pense, dans l'intérêt de tous.


Hans Cany
(Webzines WARDANCE et REQUIEM)

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