lundi 6 juin 2011

METAL URBAIN : Interview (2004)


Formée dès 1976 et miraculeusement ressuscitée depuis 2003, est-il encore besoin de présenter cette véritable légende vivante que constitue METAL URBAIN ? Pionniers incontournables de la première vague Punk, adeptes des expérimentations bizarroïdes et des sonorités distordues, pourfendeurs véhéments du conformisme ambiant, inventeurs de la fameuse formule guitares/machines/boîte à rythme, porteurs d'un message au contenu particulièrement corrosif et subversif, ils furent ni plus ni moins à la France ce que les SEX PISTOLS furent au Royaume Uni. Quelques heures seulement avant un remarquable concert rennais dont je conserverai un souvenir impérissable, le groupe a bien voulu m'accorder en backstage une longue entrevue dont vous trouverez ci-dessous le compte rendu intégral, en exclusivité pour WARDANCE !

Entretien exclusif avec Eric Débris et Hermann Schwartz par Hans Wehrwolf
(Hans Cany), réalisé le 13 Mai 2004 à Rennes
Vott, Eric Débris, Hermann Schwartz
NY club Tonic, novembre 2003
(Photo : David Fakrikian)
Salut à vous ! Ma première interrogation n'est certes pas très originale, mais elle me parait tout de même incontournable : comment vous est venue l'idée de relancer METAL URBAIN ?
ERIC DEBRIS : C'est David du label Seventeen qui nous a approchés pour faire une réédition, dans des conditions qui ne nous avaient jamais été proposées jusqu'à présent. C'est-à-dire des rééditions faites proprement, complètes, avec des bons CD, un bon packaging, beaucoup de temps passé sur le remastering, en passant plusieurs jours voire plusieurs semaines en studio , pour avoir un son qui fasse que ce soit vraiment écoutable comme un disque et pas simplement comme une collection de morceaux. Au passage, il y a des gens qui en ont entendu parler, qui nous ont proposé de faire d'autres trucs pour des compils, et de fil en aiguille un tourneur américain nous a contactés pour savoir si on voulait tourner aux Etats-Unis. On s'est dit "pourquoi pas ?", on a réfléchi, on a répété, etc...
C'est donc votre première vraie tournée en France, ce qui peut paraitre un peu paradoxal pour un groupe français ... N'avez-vous jamais auparavant eu l'opportunité de faire une telle tournée, ou bien cela découle-t-il d'un choix délibéré de votre part ?
HERMANN SCHWARTZ : On l'a fait exprès !
ERIC DEBRIS : Non, on ne l'a pas vraiment fait exprès. A l'époque, en 77-78 on a essayé à plusieurs reprises de monter une tournée. En général, on avait 5 ou 6 dates qui se mettaient en place, mais au fur et à mesure que les semaines avançaient il y avait des dates qui sautaient, deux, trois, quatre, cinq, six, et en fin de compte ça ne marchait plus qu'à Paris. C'est donc pour ça qu'on a jamais réussi à jouer en France à l'époque. Il n'y avait pas tous les circuits qu'on peut trouver maintenant, il n'y avait pas de salles partout, bref on n'avait pas la possibilité de jouer comme on l'aurait voulu.
HERMANN SCHWARTZ : On a failli faire une tournée dans le nord de la France, que l'on voulait d'ailleurs appeler "Coup de Grisou", mais la plupart des dates qui avaient été retenues ont été annulées progressivement... Bref n'importe quoi... C'est le genre de niveau, quoi !
En fait, ces problèmes n'étaient pas liés à d'autres causes comme par exemple une défaillance du management ?...
ERIC DEBRIS : Il n'y en avait pas, donc... Une tournée avait failli se monter avec le management d'un autre groupe, une des incarnations de 1984 -ils ont changé de nom à plusieurs reprises- mais bon, c'était pourri. De toutes façons, il n'y avait rien, il n'y avait pas de structures à l'époque, il n'y avait que dalle. Les managers, il fallait les inventer, il fallait trouver quelqu'un qui soit ok pour être manager, et puis surtout il n'y avait rien, il n'y avait pas de salles. Maintenant il y a des salles partout en France, il y a des salles qui sont plus ou moins financées par les municipalités etc . A l'époque, même les tournées parisiennes, c'était la galère.
HERMANN SCHWARTZ : Les gens n'étaient pas fiables. On avait par exemple une dizaine de dates, mais la moitié se désistaient après ! C'était vraiment n'importe quoi. Il aurait fallu qu'on ait un manager Hell's Angel pour que ça fonctionne !
ERIC DEBRIS : Oui, c'était un peu ça !

Donc là, vous venez de revenir de votre tournée américaine et canadienne. En gros, quelle impression en avez-vous gardé ?
ERIC DEBRIS : Plutôt bonne. C'était vachement sympa. On avait déjà fait une mini-tournée en novembre, et là on avait vraiment un super public, très attentif. En plus, c'étaient vraiment des gens qui venaient nous voir. Dans toutes les villes où on a joué, on a eu des articles dans des journaux gratuits au tirage aussi important que certains quotidiens français, et la plupart du temps, on était "le groupe de la semaine", "le groupe du jour". On a même eu des pleines pages sur certains canards.
Vous avez eu l'impression là-bas d'avoir eu affaire à un public plus concerné par METAL U que le public français ?
ERIC DEBRIS : Pas de la même manière. Un public curieux, attentif, mais spontané, qui ne réfléchit pas avant de se mettre à danser. Par rapport à ici où on se dit "est-ce que c'est bien d'applaudir ?", "est-ce que c'est bien d'aimer ?", "est-ce que mon voisin d'à côté applaudit ? Bon alors d'accord je vais pouvoir le faire"... Ils sont beaucoup plus simples dans leurs réactions. Si ça leur plait, ça leur plait, point barre. Ils ne cherchent pas à savoir. Il y en a qui sont venus un peu par hasard parce qu'ils ont entendu parler du groupe, qui se sont dit qu'ils allaient voir ce que c'est, qui se sont dit "ah ben ouais, c'est vachement bien", et qui ont apprécié spontanément.
HERMANN SCHWARTZ : Oui, là-bas les gens sont plus expressifs.
...Un peu comme le public anglais, non ?
HERMANN SCHWARTZ : Aaahh non, pas vraiment comme en Angleterre.
ERIC DEBRIS : Non, les Anglais ont toujours été un peu élitistes dans leur manière de réagir. Surtout s'il ne connaissent pas le groupe...
En plus, par rapport à un groupe francophone, je suppose que la réaction de ce public doit parfois être un peu spéciale...
ERIC DEBRIS : Nous on avait pas ce problème dans le temps, car le Punk Rock est un monde un peu particulier, mais maintenant, lorsqu'on y est retournés et qu'on a fait trois dates en première partie de NEW MODEL ARMY, le public était clairement venu pour son groupe vedette. Et s'il est captif comme à l'Astoria de Londres, où ils ne peuvent pas bouger de la salle, où il ne peuvent pas sortir de la salle ni même de la fosse pendant la première partie , là, évidemment... Mais les Américains sont beaucoup moins comme ça. A Montréal, au contraire, c'est carrément de la folie furieuse, on est carrément pris en otages, on ne peut même pas quitter la salle après le concert, etc.
HERMANN SCHWARTZ : ...Et avec des rappels violents !
ERIC DEBRIS : Oui, des rappels du genre "on va détruire la salle si vous ne remontez pas sur scène" !
A propos, justement, vous avez un peu la réputation de ne jamais accepter de rappels...
ERIC DEBRIS : Oui, mais on est un peu obligés, là... C'est pas vraiment notre truc, ça nous fait un peu chier. Moi personnellement je déteste les rappels. Mais là, ce sont de vrais rappels, c'est-à-dire qu'ils nous rappellent vraiment, qu'ils ne vont pas nous laisser partir, etc. Mais c'est vrai qu'en général, on n'aime pas ça. Moi, quand je lis un livre et que j'ai fini de le lire, il est fini et puis voilà, quoi. Je n'appelle pas l'auteur pour lui dire "fais-moi un chapitre de plus" ... Quand je suis au cinéma, la dernière scène c'est la fin, c'est fini. Les gens ne vont pas réclamer "allez, encore une scène !", etc... Un concert, ce n'est pas un DVD avec des bonus. C'est le côté "bonus" qui me dérange un peu dans le truc. J'aime bien que quand c'est fini, ce soit vraiment fini.
HERMANN SCHWARTZ : C'est vrai qu'on a un set assez court pour l'instant. Par exemple, il y a beaucoup d'endroits où on jouait après 3 autres groupes, et on essayait de faire un truc vraiment "short" pour ne pas bassiner les gens. Mais du coup, en effet, on est obligés de faire des rappels.
Eric Débris & Hermann Schwartz
Rennes, 13/05/2004
(Photo : Hans Wehrwolf)
Vers le milieu et la fin des années 80, la reformation de METAL U avait été plusieurs fois annoncée, mais ce projet semble avoir avorté à chaque fois...
Que s'était-il donc passé ?...
ERIC DEBRIS : C'était vers 85, en fait. On a commencé à enregistrer des titres, à tenter de faire quelque chose . Ce qu'on avait fait ne nous satisfaisait qu'à moitié, on n'était pas totalement convaincus, et quand on a commencé à faire écouter ça à deux ou trois mecs du business musical pour avoir leur avis, je me rappelle la réaction de l'un d'eux qui nous a dit "les gars, vous êtes en pleine science-fiction". Et là on s'est dit bon, c'est reparti pour un tour, on va se faire chier à essayer de convaincre des mecs en leur disant "c'est ce qu'on a envie de faire", et finalement on a rangé les bandes au placard, et on s'est dit tant pis, on va attendre. Parce que ça ne servait à rien. Ce n'était pas exactement la même chose que maintenant, on avait tenté de remonter le groupe mais on ne pensait pas forcément refaire de la scène. Ce n'était pas la même chose.
Pas dans le même esprit ?
ERIC DEBRIS : Non, ce n'était pas dans le même esprit du tout, et on est beaucoup plus à l'aise avec ce qu'on est en train de faire maintenant qu'avec ce qu'on avait tenté de faire à l'époque. Cela nous a permis de nous replonger dans ce qu'on savait faire le mieux, et ça nous permet aussi d'avancer.
A l'époque, vous aviez essayé de prendre des directions totalement différentes ?
ERIC DEBRIS : On a effectivement essayé des trucs. De toutes façons, avec METAL URBAIN, on a toujours essayé des trucs plus ou moins bizarres. Pour nous, ils ne le sont pas forcément, mais après ils sont plus ou moins réussis. Et je pense qu'à l'époque ce n'était pas tout à fait réussi. On a réécouté les bandes, il y a des trucs intéressants dessus. On a pensé un moment à les mettre comme titres bonus sur les CDs, mais finalement on a décidé de ne pas les faire passer.
C'était vraiment si différent de ce que vous faites habituellement ?
HERMANN SCHWARTZ : Très différent !
ERIC DEBRIS : Très différent, c'était trop expérimental. Enfin ce n'était pas vraiment "expérimental", mais ça l'est pour nous. On a vraiment tenté des trucs pour voir ce qu'on pouvait faire, mais finalement cela s'avère moins intemporel que le reste.
Revendiquez -vous toujours avec la même intensité l'état d'esprit de révolte anarchiste intégrale qui marque la plupart de vos textes avec la virulence que l'on sait ?...
ERIC DEBRIS : Oui !
HERMANN SCHWARTZ : Oui ! C'est fondamental.
ERIC DEBRIS : C'est tout simplement nous. C'est nous en tant que personnes, c'est là, on ne va pas changer d'avis. On est toujours sur les mêmes idées. Mais on n'est pas non plus anarchistes engagés, militants. C'est un courant de pensée, une manière de voir les choses, la société, qui est la nôtre, et qui, comme d'ailleurs toute pensée anarchiste est celle de chaque personne individuellement. Moi par exemple, je ne vois pas forcément les choses exactement de la même façon qu'Hermann, et METAL URBAIN, ce n'est pas non plus un groupe anarchiste avec tout le monde qui pense pareil etc...
Justement, j'ai toujours eu le sentiment que vous étiez un groupe engagé mais absolument pas militant, en ce sens que l'anarchisme tendance METAL U est d'essence foncièrement individualiste, et qu'il n'entend pas être assimilé à quelque mouvement politique que ce soit, fut-il "libertaire"...
HERMANN SCHWARTZ : Surtout pas !
ERIC DEBRIS : Non, surtout pas ! Non, pour nous, c'est tout simplement plus une pensée philosophique qu'autre chose, ce n'est absolument pas militant, et on ne veut surtout pas emmener les gens dans notre engagement de manière dogmatique. C'est-à-dire que nous, on parle de choses, on décrit des événements dans nos chansons, dans certains de nos morceaux on donne peut-être un peu -mais de manière très très légère- notre opinion sur ce qu'il serait possible de faire, mais après c'est aux gens d'aller piocher dedans et de se faire une idée. Nous, on ne veut pas donner des leçons, expliquer comment il faut réagir, ce qu'il faut faire
HERMANN SCHWARTZ : Oui, on peut très bien avoir des textes hyper-violents qui dénoncent certains trucs etc, mais ce sera toujours aux gens de faire le tri. On ne leur dira jamais "faites-ci, faites pas ça", etc...
Donc, vous ne seriez pas vraiment le genre de groupe à aller jouer dans des concerts de soutien, ou ce genre de choses ?...
HERMANN SCHWARTZ : Hors de question ! Surtout pas !
ERIC DEBRIS : Non, non. La seule fois où on avait failli en faire, c'était pour des trucs complètement décalés, et ce n'était pas un truc vraiment...
HERMANN SCHWARTZ : Ou alors si, contre le pinard artificiel ou des trucs comme ça, là on veut bien !
(Rires)
ERIC DEBRIS : Non, on n'est pas vraiment du genre à aller faire des trucs contre les grands patrons d'industrie, contre les maisons de disques sur lesquelles on est signés, ou des choses comme ça... Je ne pense à personne en particulier, mais bon...
(Rires)

Sinon, j'avais lu dans une de vos interviews une allusion au fait que Maurice Dantec vous apprécie, et qu'il est venu vous rencontrer dernièrement à l'occasion de l'un de vos concerts québécois. Du fait de sa réputation devenue pour le moins "sulfureuse", n'avez-vous pas peur, à cause de cela, d'être assez mal catalogués par certains milieux ultra-politisés et qui dans la scène française ont souvent pignon sur rue ?...
HERMANN SCHWARTZ : On s'en fout !
ERIC DEBRIS : On s'en fout carrément.
HERMANN SCHWARTZ : De toute manière, même si Adolf Hitler en personne vient incognito à un de nos concerts, on ne va pas se plaindre, tu vois ?!
ERIC DEBRIS : En plus, premièrement, Dantec c'est un pote que l'on connaît depuis super longtemps, c'est un fan de METAL URBAIN et il ne s'en est jamais caché. Il a même déjà parlé de nos concerts dans certains de ses écrits. C'est un mec qui au moins a le courage de ses opinions, qui a le courage d'avoir des opinions différentes de celles des autres, et ça c'est estimable. Après, il y a des gens qui lui font des faux procès parce que c'est quelqu'un qui n'est pas dans le consensus mou etc, mais si le mec marche à côté de la route, pour nous c'est bien quel que soit ce qui peut se raconter. Et puis justement, on sait très bien que pour faire bouger un peu les gens, parfois il faut aller beaucoup plus loin que là où on irait, et nous ça nous est déjà arrivé aussi. On a déjà dit des trucs que les gens n'acceptent pas car il pensent qu'on ne peut pas dire des trucs comme ça. Mais pourquoi ne pourrait-on pas les dire ?... Qui sur Terre peut décider de ce que l'on a le droit de dire ou non ?...
HERMANN SCHWARTZ : C'est d'ailleurs bien pour ça qu'on ne sera jamais affiliés à un mouvement quelconque, car cela nous obligerait à avoir de la retenue dans nos propos. Et si on a envie de claquer la gueule aux partis anarchistes, on le fera. Le jour où ils nous ferons chier, quoi. Mais bon pour l'instant on ne les entend pas beaucoup, on ne voit que les drapeaux de la CNT, et on est contents car ce sont nos couleurs ! Ils font de la pub pour METAL U, c'est comme Dantec ! (rires)
Oui, mais vous n'êtes sûrement pas sans savoir que certains milieux ultra-politisés tendance "antifa" etc risquent fort d'en tirer certaines conclusions...
HERMANN SCHWARTZ : Ils peuvent toujours en tirer les conclusions qu'ils veulent !
ERIC DEBRIS : De toutes façons, on s'en branle !
HERMANN SCHWARTZ : Ils peuvent interpréter tout ce qu'on raconte, tout ce qu'on a dit, mais de toutes façons , chez nous, les choses ont toujours été très claires.
ERIC DEBRIS : Et puis en plus, Dantec, c'est un pote ! Alors je ne vois vraiment pas pourquoi... Je vois de quoi on parle exactement, mais là-dessus, c'est vraiment un procès complètement minable qu'on lui fait, c'est carrément hallucinant !
HERMANN SCHWARTZ : C'est un peu comme le procès qu'on a fait à l'abbé Pierre ! C'est pareil !
ERIC DEBRIS : Dantec, c'est un fan, c'est un mec qui avait monté un groupe qui s'appelait ETAT D'URGENCE, qui était carrément un des tout premiers clones de METAL URBAIN, avec des machines etc. Et qui avait même un nom avec une consonnance proche de celle de METAL URBAIN.
Là on parle de Dantec, mais il y a des tas de gens qui viennent nous voir. Aux Etats-Unis, c'est Jello Biafra qui est venu nous voir, et il n'a pas que des amis... Alors après, on va faire l'amalgame Jello Biafra-METAL URBAIN, et voilà quoi... Il se trouve qu'en plus, justement, les gens qui aiment METAL URBAIN sont en général des empêcheurs de tourner en rond, ce sont des gens qui n'ont pas que des amis, et qui ont même presque plus d'ennemis qu'autre chose...
A qui le dis-tu !!!... ;-)
ERIC DEBRIS : Eh bien voilà, comme par hasard !!! (Rires)
Et il se trouve qu'en général, ce sont des gens qu'on aime bien même s'ils ne le savent pas, tu vois ?... Quand biafra est venu nous voir, je lui ai expliqué à la fin qu'on aimait vraiment ses disques depuis le premier qu'on avait entendu, et je sais qu'à l'époque à Rough Trade, ils ne savaient pas vraiment comment prendre un truc comme "California über alles". Ils se disaient "mais c'est quoi ce disque ?", alors que nous on trouvait ça génial. Ils avaient un peu de mal avec les DEAD KENNEDYS au début, et il y avait plein de gens qui se demandaient ce que c'était que ce groupe, et qui ne comprenaient pas très très bien... Il se trouve que ce groupe fait justement partie des gens qu'on aime, et comme par hasard ce sont aussi ces gens-là qui viennent à nos concerts. Il se trouve que tous ces gens-là sont fans de ce qu'on fait, et qu'on est aussi fans de ce qu'ils font. Dantec, c'est la même chose.
Eric Débris
Rennes, 13/05/2004
(Photo : Hans Wehrwolf)
Pris dans le contexte actuel, un morceau aux paroles anti-écolos comme "E 202" peut être assez mal interprété... Pourtant, à l'époque où vous l'avez fait, il s'agissait surtout d'une réaction très "provo" au trip néo-Baba Cool et à la mentalité post-Hippie. Est-ce bien exact ?...
ERIC DEBRIS : Moi, quand je l'ai écrit, ce n'était pas tellement une réaction au trip baba, c'était plutôt une réaction aux débuts de ce qui est devenu par la suite la mouvance des "Verts" etc. C'est-à-dire qu'on les a vu arriver, on a vu arriver le fascisme vert. En fait, c'était une réaction contre ça. Quand on a vu arriver les tout premiers du genre -je ne sais plus comment ils s'appelaient dans le contexte des élections à l'époque- , ils commençaient à parler de ce qu'on appelle des "musées-poussière" dans le morceau, c'est-à-dire des espèces de réserves naturelles, de sanctuaires, une espèce de zoo où un jour on pourra continuer sur la Planète à aller voir un bout de verdure quelque part... C'était donc une réaction contre ce genre de trucs, et contre en fait cet espèce de "fascisme vert" qui est évident de la part de gens qui au nom de leurs croyances veulent limiter la liberté des autres. Et tout ce qui constitue une limitation de la liberté des gens, moi ça me fait grimper au rideau. C'est tout bêtement "grâce" aux "Verts" qu'aujourd'hui plus de la moitié des salles de spectacle en France se font emmerder à propos d'histoires de niveau sonore, car c'est eux qui ont fait voter la loi contre le bruit . La loi sur les niveaux sonores etc, c'est un "vert" qui l'a déposée, et les lois qui permettent d'interdire les Rave Parties, c'est un député "vert" qui les a déposées ! Ce n'est pas du tout les mecs de droite, d'extrême-droite etc, qui eux, justement, seraient plus du genre à dire des trucs du style "bon allez, on va laisser les gens s'amuser dans un coin, car comme ça, pendant ce temps, ils nous foutent la paix"... Moi, si j'ai envie d'aller voir un concert et de me faire péter les oreilles jusqu'à ce qu'elles saignent, c'est mon choix. Je ne vois pas au nom de quoi quelqu'un pourrait décider que je dois me protéger les oreilles ! Parce qu'après, ce genre de truc, ça peut aller très loin. Parce qu'après, on te "protège" de la pornographie, on te "protège" de la violence, on te "protège" d'images que tu n'as pas le droit de voir à la télé...
HERMANN SCHWARTZ : ...de METAL URBAIN, aussi !
(Rire général)
ERIC DEBRIS : Non, mais c'est ça. C'est non-stop. La privation de liberté c'est ça, c'est l'horreur. C'est vouloir museler la presse, museler les gens, leur expliquer ce qu'ils doivent faire pour leur bien-être.
HERMANN SCHWARTZ : Au départ, je n'étais pas d'accord avec ce texte, mais plus ça va, plus j'aime. Parce qu'Eric a vraiment bien senti venir le vent.
Moi, c'est pareil. Ce morceau, je l'ai découvert vers 86 ou 87, et au premier abord, à l'époque, j'avais trouvé ses textes plutôt excessifs... Mais en effet , finalement, avec le recul, j'ai fini par me reconnaître pleinement avec cette manière de voir les choses.
HERMANN SCHWARTZ : Ouais, et puis le mythe du "retour à la Nature" c'est n'importe quoi, c'est terminé. On est dans une société qui ne maîtrise même pas la technologie, alors comment veux-tu qu'on "maîtrise" la Nature ?!... C'est une hallucination de malade !
ERIC DEBRIS : C'est surtout qu'il y a une réelle escroquerie là-dedans, et Spinrad l'a dénoncé dans un très bon bouquin, c'est que derrière tous les lobbies "verts" etc, on va retrouver derrière eux, pour les financer etc, les grands pétroliers. Parce que c'est eux qui sont en train de réorganiser les nouvelles industries, qui sont des industries qu'on commence déjà à vendre...pour nettoyer ! C'est-à-dire que derrière des industries dont l'action est supposée contribuer à "rétablir le climat" etc, avec là un réel risque de jouer avec le feu et de tout foutre en l'air, se cachent comme par hasard les mêmes mecs que ceux qui sont accusés d'avoir tout foutu en l'air... Parce que ce sont les mêmes qui ont le blé. Et donc ce sont les mêmes qui vont réinvestir le blé ailleurs pour faire des trucs qui vont te recoller un peu de pluie dans un endroit où il n'y en a plus, etc. Et là, la vraie catastrophe va arriver.
Oui, comme les fameuses "taxes anti-pollution" ou "éco-taxes", qui ne consistent en fait qu'à faire payer...un droit de polluer !!
ERIC DEBRIS : Oui, c'est tout à fait ça. Ou ce sont aussi des trucs comme le tri sélectif des ordures, c'est une escroquerie sans nom, ce machin-là ! Puisqu'il suffit qu'il y ait 1 bouteille d'eau au milieu d'un truc de papiers pour que le truc entier soit foutu en l'air, on ne peut pas trier !... En fait, ça coûte plus cher de faire du tri sélectif que de ne pas en faire, et en plus les entreprises qui font ça ne font que ramasser du fric qui ne sert à rien ! Il y a des boîtes dont le boulot est de faire le tri, de récupérer des ordures et qui ne vendent rien, et ça ne fait qu'engraisser les entreprises en question sans rien rapporter à la collectivité.
Il y a un autre morceau de vous dont j'aime énormément les textes, c'est "Atlantis". J'aime tout particulièrement cette parabole inspirée du mythe de l'Atlantide, dont la cité orgueilleuse, Atlantis, est menacée de submersion par la nouvelle vague de la subversion. Cette manière de désigner clairement le monde moderne et la société de consommation sous le nom d'Atlantis rejoint un peu la démarche des Rastas, qui de leur côté la dénomment "Babylone", non ?...
ERIC DEBRIS : Oui oui, tout à fait.
...Et justement, je me demandais qui d'entre vous avait eu l'idée d'écrire ce texte ?...
ERIC DEBRIS : C'est un texte de moi, mais c'est un titre qu'on ne fait plus sur scène.
Ah bon ?!... C'est fort regrettable !
ERIC DEBRIS : Non, mais c'est pour des raisons purement techniques, car maintenant c'est moi qui suis passé au chant, et je ne comprends pas comment Clode Panik avait réussi à mémoriser un merdier pareil ! Parce qu'en fait, c'est une espèce d'effort stylistique avec des doubles strophes, une espèce d'écriture poétique à la con, où tout est pris deux par deux...
...Je l'ai pourtant déjà reprise, moi-même !? ;-)
ERIC DEBRIS : Oui, mais moi je ne peux pas ! Je l'ai écrit mais je ne peux pas le chanter, c'est trop le bazar ce morceau !
HERMANN SCHWARTZ : Si tu veux, je la chanterai !
(Rires)
ERIC DEBRIS : On verra, on verra !
En fait, avec les divers petits groupes merdiques et éphémères que j'ai pu faire au fil des années, on a toujours commencé par faire des reprises des PISTOLS, des RAMONES, et de vous, METAL U ! On avait d'ailleurs fait "Panik", aussi...
ERIC DEBRIS : Ouais, enfin les RAMONES, c'est pas compliqué, hein !
(Rires)
HERMANN SCHWARTZ : Un morceau de METAL URBAIN, ça va, mais 15 ou 20, là ça commence à devenir compliqué.
ERIC DEBRIS : Oui, quand on reprend un ou deux morceaux de METAL URBAIN au milieu d'un set, ok, je comprends, car on n'a pas tout le truc à se taper. Mais franchement, il y a des titres un peu compliqués, surtout à cause de l'écriture car c'est vrai qu'on a pas forcément fait tout le temps dans le "simple"... Et "Atlantis", c'est vraiment l'opposé d'un texte simple.
HERMANN SCHWARTZ : Sinon, il y a aussi un groupe de Rennes qui a fait "Babylone tu déconnes"...
(Rire général)
Ah oui, c'est vrai ! Je ne me souvenais même plus de l' existence de ce truc-là, héhé !!

Metal Urbain, 1978
A présent, une question un peu "bateau" qu'on vous a sûrement déjà posée maintes et maintes fois : le nom de METAL URBAIN demeure aujourd'hui encore fréquemment associé à l'idée de violence, notamment en ce qui concerne l'attitude scénique du groupe et l'ambiance générale lors de vos concerts. Selon vous, une telle réputation est-elle pleinement justifiée par les faits, ou bien relève-t-elle simplement d'une légende...urbaine ?
ERIC DEBRIS : On fait une musique violente, et donc ça réveille des trucs chez les gens... Pas tout le temps, mais ça arrive.
Dans le public, il y a souvent des mecs qui sont violents ?... Est-ce que ça dégénère parfois ?...
ERIC DEBRIS : Oh rarement, il ne faut pas exagérer non plus. Il peut y avoir un ou deux mecs qui s'échauffent dans la salle pour des conneries, mais bon c'est léger par rapport à d'autres groupes. C'est rarement plein de mecs, c'est souvent un ou deux qui partent en couille. Mais c'est tout. C'est une musique qui cherche à réveiller les gens, mais là ça ne réveille pas les bonnes choses chez eux.
Justement, j'ai eu quelques échos par rapport à votre récent concert à Bordeaux, et il semble qu'il y ait eu quelques problèmes là-bas...
ERIC DEBRIS : Oh, pas énormément. Il y avait juste quelques mecs qui faisaient chier, et qui ont fini par se chauffer entre eux.
Ce n'était donc pas dirigé contre vous, en fait ?
ERIC DEBRIS : Ah non, pas vraiment, non non.
HERMANN SCHWARTZ : Oui, justement c'étaient des sales cons.
ERIC DEBRIS : Oui, des sales cons qui font de la provoc à deux balles, et qui finissent par se provoquer entre eux.
HERMANN SCHWARTZ : Ce sont toujours les mêmes qui font chier, dans tous les concerts. Ce sont les chieurs de service.
Mais tout de même, vous ne rencontrez pas ça à chaque fois ?...
HERMANN SCHWARTZ : Non. C'est assez rare.
ERIC DEBRIS : D'ailleurs, il y a un certain public qui n'a plus l'air d'exister. Il n'y a plus de mecs qui ne viennent là que pour se mettre la tête à l'envers et faire n'importe quoi pendant le concert, et qui font chier juste pour le plaisir. Des mecs qui ne prennent du plaisir qu'en faisant chier les autres. Je n'en vois pas tellement l'intérêt.
HERMANN SCHWARTZ : L'attitude "punk" tarée, quoi. On a d'ailleurs remarqué ça très vite, à l'époque du premier METAL URBAIN, le public nous a carrément écoeurés. On s'est dit "ces gens-là n'ont rien dans le crâne, tout ce qui les intéresse c'est de se foutre sur la gueule". Tu vois, ce genre d'attitudes débiles, quoi.
Vous n'avez rencontré ça qu'en France ?
HERMANN SCHWARTZ : Non non, c'était partout !
ERIC DEBRIS : En Angleterre, c'était encore pire.
Pourtant, avec la représentation qu'on se fait souvent aujourd'hui de cette période, on a l'impression que le public punk était alors plus respectueux, plus solidaire qu'il ne l'est devenu ensuite...
ERIC DEBRIS : Au tout début, peut-être...
HERMANN SCHWARTZ : ... Mais dès qu'il y a eu du monde, ça a commencé à dégénérer. Dans les années 70, c'était très très violent. L'atmosphère était vraiment très violente. Ce n'était pas la même chose qu'aujourd'hui. C'était moins "convenu", mais ça devenait vraiment "hard", quoi...
De toutes manières, les concerts en France dégénéraient toujours en bastons. La moitié du concert, c'était la bagarre, les flics, et tout ça.
Vous le viviez mal, vous-mêmes ?
ERIC DEBRIS : Oui, car on ne fait pas des concerts pour que les gens se foutent sur la gueule.
HERMANN SCHWARTZ : Non, on aime pas ça, nous.
ERIC DEBRIS : Nous, on joue pour que les gens écoutent les textes, qu'ils s'amusent, et qu'ils rentrent chez eux en étant contents.
HERMANN SCHWARTZ : Moi, le sang, ça ne me fait pas jouir.
C'est vrai qu'hélas, le Punk en France...
ERIC DEBRIS : Mais ce n'est pas lié au Punk Rock, je pense. C'est plutôt lié à des gens qui viennent à des concerts alors qu'en fait ils n'ont rien à y foutre. Ils sont là parce que c'est le seul truc à faire ce soir-là, mais s'ils avaient autre chose à faire, ils iraient ailleurs.
Vous ne croyez pas aussi que parfois, certains trisos peuvent prendre au premier degré certains de vos textes comme "Snuff Movie", "Crève Salope", "Ultra Violence", etc ?...
HERMANN SCHWARTZ : Ouais mais tu vois, c'est comme à l'époque, avec les RAMONES, où des connards d'Ecossais se sont flingués en sniffant de la colle... Il y a toujours des cinglés qui prennent les trucs au pied de la lettre. Mais c'est une minorité de connards.
Oui, il y a une douzaine d'années, j'avais aussi fait une interview avec Nidge Miller, de BLITZ, et je lui avais aussi posé une question similaire à propos de leur fameux morceau "Someone's gonna die", qui est en fait un truc qui dénonce la connerie et la violence des hooligans, mais qui a été pris au pied de la lettre par pas mal de crétins...
ERIC DEBRIS : Oui, c'est pareil.
HERMANN SCHWARTZ : En fait, il y a des gens qui ne viennent que pour foutre le bordel. J'ai souvent vu ça à Paris. Il y a aussi des gens qui sont violents de nature, comme les skinheads en Angleterre à l'époque où on tournait là-bas, et qui venaient pour foutre le bordel. Mais quand ils entendent de la musique qui leur plait, après ils deviennent super-cools ! Moi, en Grande Bretagne, c'est un truc qui m'a marqué. Le meilleur public qu'on a eu là-bas, en général, c'étaient des skins !...
Des skins politisés ou pas ?...
HERMANN SCHWARTZ : Euh... oui, plutôt politisés à droite, bizarrement !
Hermann Schwartz
Rennes, 13/05/2004
(Photo : Hans Wehrwolf)
A présent, la question qui tue : votre manager David m'a dit que si je vous posais une question à propos de Clode Panik, il y avait de fortes chances pour que j'obtienne pour toute réponse "qui ça ?"...
ERIC DEBRIS : C'est l'ancien chanteur...
Oui, mais je voulais justement vous demander si vous n'avez jamais essayé de le convaincre de réintégrer le groupe ?...
HERMANN SCHWARTZ : Lui ne nous a jamais recontactés. Nous on s'en fout, il sait où nous trouver.
ERIC DEBRIS : La dernière fois où il a été question de faire un truc avec lui, à peu près tout le monde était d'accord pour remonter sur scène, sauf lui. Mais ça remonte aux années 80.
HERMANN SCHWARTZ : Et c'est aussi le premier à avoir quitté le groupe. C'est-à-dire que le split de METAL URBAIN, ça vient quand même du départ de Monsieur Clode Panik...
Mais il ne vous a pas créé de difficultés pour la reprise du nom du groupe, etc ?
HERMANN SCHWARTZ : Oh non, ce n'est pas son genre.
ERIC DEBRIS : Non, il a totalement tourné la page, tout simplement.
Donc, même le fait que ce soit lui qu'on entende chanter sur bon nombres de titres figurant sur vos récentes rééditions , ça n'a pas posé problème ?...
HERMANN SCHWARTZ : C'était un interprète, pas un compositeur. Tu vois ? Il était évidemment impliqué, la voix du groupe c'est vachement important. Mais ce n'est pas lui qui écrivait, et donc il pouvait se permettre de quitter le groupe sans problème. Le gros souci qu'on a eu, depuis tout ce temps, ça a été de le remplacer. Et aujourd'hui, Eric le remplace largement !
(Rires)
Clode Panik
Sur votre version personnalisée du morceau "Rock'n'Roll", que j'aime beaucoup, les vocaux d'une de vos amies, Mélodie, étaient très efficaces. Cet apport de chant féminin révélait une facette totalement inédite de METAL URBAIN. Avez-vous déjà envisagé, ou projetez-vous à l'avenir, d'enregistrer d'autres titres en collaboration avec elle ?
HERMANN SCHWARTZ : Elle ne veut pas !
ERIC DEBRIS : Non, elle ne veut pas.
HERMANN SCHWARTZ : Moi, j'ai parlé avec elle parce que je trouvais qu'elle avait une voix rigolote, mais...
ERIC DEBRIS : On a réussi à la forcer à chanter pour faire ce truc-là. On avait réussi à la faire s'impliquer dans METAL URBAIN, et on est d'ailleurs les seuls à avoir réussi à la faire chanter, alors qu'elle a une super voix. Depuis la première fois où je l'avais rencontré, en 76 ou 77, je savais qu'elle chantait bien. On a réussi dix ans après à la faire chanter , mais ça s'est arrêté là.
HERMANN SCHWARTZ : Moi les chanteuses, les meufs pour les groupes, ça m'a toujours intéressé, mais bien souvent les plus douées et les plus intéressantes n'osaient pas...

Sinon, à propos de la scène Punk Rock contemporaine et de ses dérivés : est-ce que vous vous y sentez impliqués, est-ce que vous vous y intéressez ? Et quel est votre point de vue sur son évolution jusqu'à aujourd'hui depuis 76-77 ?
HERMANN SCHWARTZ : Euh...Il aurait déjà fallu qu'on reste hyper branchés pendant 25 ans sur l'évolution du Punk Rock, mais en fait on s'est un peu débranchés... Mais il y a des bons trucs.
ERIC DEBRIS : Oui, il y a des bons trucs. Mais nous on a quand même un problème avec le Punk Rock, car faisant partie de la première vague, et comme pour tous les groupes de cette première vague, pour nous ce qui a suivi n'est pas vraiment du Punk Rock. Cela s'appelle Punk Rock parce que ça ressemble à du Punk Rock, mais c'est devenu un genre. Pour nous ce n'est pas un genre, on faisait un truc pour que chacun fasse ce qu'il avait envie de faire. Et après, c'est devenu un moule vide...C'est un peu emmerdant. Il y a des mecs qui répètent et qui montent sur scène pour faire un morceau "Punk". Mais nous, on ne sait pas ce que c'est, un morceau "Punk"... Pour nous, l'idée du Punk Rock, c'était : tu prends ta vie en main, tu fais ce que tu as envie de faire, et si la musique que tu entends à la radio ne te plait pas, tu fais ce que tu as envie d'entendre, point barre. Le problème, c'est qu'après des mecs se sont mis à faire un truc qui ressemble à du Punk Rock... C'est devenu un genre avec des critères, avec des trucs qui sont "punks" ou "pas punks", alors que si on prend tous les premiers groupes, il n'y en a pas un qui donnera une description exacte, à part dire "voila, on a fait ce qu'on avait envie de faire parce qu'on ne l'entendait pas à la radio", et c'est tout. Il s'est trouvé qu'on était un paquet de mecs sur la planète à vouloir faire ce truc-là en même temps !
HERMANN SCHWARTZ : Les gens aujourd'hui ont "un son punk", "des paroles punks", etc
ERIC DEBRIS : Il y a quelques groupes intéressants là-dedans, mais qui sont des groupes de Rock'n'Roll intéressants. Il se trouve qu'ils sont catalogués punks.

Vous n'êtes pas sans savoir qu'outre BERURIER NOIR, plusieurs autres groupes se sont inspirés de la fameuse formule guitares + boîte à rythme inaugurée par METAL U, comme par exemple WARUM JOE et bien d'autres. Votre point de vue sur la question ?...
ERIC DEBRIS : La différence entre les BERUS et WARUM JOE, c'est que les BERUS comme les LUDWIG sont des gens qui ont toujours dit qu'ils s'étaient inspirés de nous. Ce sont des gens qui ont travaillé avec nous, j'ai d'ailleurs réalisé des albums pour ces groupes-là. Alors que WARUM JOE, dans une interview récente, en sont quasiment à dire que c'est eux qui ont inventé la formule avant nous... Ils sont risibles. Moi, ils me pètent les couilles. Il m'arrive toujours d'en croiser un ou deux à Paris, et ils rougissent toujours de honte d'avouer qu'ils ont pompé le truc... Mais nous, on n'en a rien à foutre ! Moi, je préfère qu'il y ait 250 groupes sur la planète qui jouent avec la formule qu'on a inventée, mais qu'au moins ils l'admettent !
HERMANN SCHWARTZ : Et pourtant, le pire, c'est qu'on les connait !
Rennes, 13/05/2004
(Photo : Hans Wehrwolf)
De par ses sonorités distordues et l'emploi de "machines", METAL U s'est aussi toujours plus ou moins imposé en tant que pionnier du style Electro-Industriel et "expérimental"... Vous êtes donc également reconnus dans les milieux Goths et Indus. Cela vous inspire quoi ?
HERMANN SCHWARTZ : Qu'ils se réclament de nous, c'est bien gentil, mais ils feraient mieux d'acheter nos disques ! (Rires) Parce que finalement, tu vois, tout le monde se réclame de nous, et logiquement on devrait vendre 1 million d'exemplaires !...
ERIC DEBRIS : Moi, ce qui me fait plaisir, c'est que même si ces mouvements sont eux aussi formatés à mort etc, les gens y sont presque plus proches de ce qu'était le Punk Rock au début. Dans l'outrance vestimentaire, dans toute cette espèce de pseudo "libération" qui va avec, bien que contrairement aux punk rockers de 76-77, souvent les gothiques se changent au vestiaire quand ils arrivent dans une boîte, ils se déguisent pour la soirée. Et ça me fait un peu rigoler, ça. La dernière fois que je suis allé dans une soirée goth, il y avait un mec qui finissait de s'habiller, et il sortait un truc de son petit sac. Franchement, pourquoi ne le portait-il pas en sortant de chez lui ?... C'était une espèce de petit collier de chien à clous, et si le mec se sent obligé de ne le mettre que dans le vestiaire lorsqu'il arrive, il y a un vrai problème !... Mais en même temps, lorsqu'on va à ces soirées-là, les gens sont cool, ils ne se prennent pas le chou, il n'y a pas de violence, bref il y a des trucs qui sont quand même pas mal.
Vott
Rennes, 13/05/2004
(Photo : Hans Wehrwolf)
Sur eBay, les enchères sur vos disques atteignent souvent des montants très élevés. Quel est votre point de vue sur ce phénomène de "collectionnite" ?
ERIC DEBRIS : Eh bien moi, je n'ai jamais acheté de disques à des prix complètement dingues. Je n'en vois pas l'intérêt. Quand c'est trop cher, c'est vraiment n'importe quoi. En plus, que des mecs continuent d'acheter des vinyls alors qu'on a ressorti le disque en CD, complété, remasterisé, avec un livret etc, je ne crois pas que le CD soit moins bien que les vinyls qui sont recherchés... La collectionnite, on est en-dehors de ça. La musique est un art mineur, on fait de la musique populaire, qui se consomme comme ça. On achète un disque, on l'écoute, on le recopie sur une K7 ou sur ce qu'on veut quand on en a besoin, et puis voila, quoi. Ce n'est pas un truc que tu vas avoir pour le mettre sur une étagère, c'est complètement con. En fait, ça devrait être comme pour la peinture, on devrait toucher 10% sur chaque revente !
(Rires)


Parallèlement à METAL U, inutile de rappeler que le groupe s'est aussi décliné en METAL BOYS et DR MIX & THE REMIX. A part les rééditions CD qui sont annoncées, est-ce qu'on peut aussi attendre du nouveau de ce côté-là , niveau albums, concerts, etc ?
ERIC DEBRIS : Non non, pour les autres groupes, il n'y a rien de prévu. On veut éviter la confusion qu'il y a pu avoir dans le passé, et on tient maintenant à n'avoir que METAL URBAIN, tout court. Avec mon projet DOCTOR MIX, il y a un album qui est fini depuis des années et qui va peut-être finir par sortir, car il correspond à ce qui se passe maintenant. Je ne vais pas remonter sur scène avec un autre groupe. Maintenant que j'ai METAL URBAIN, ça ne sert à rien. Avoir un autre groupe à côté, remonter sur scène, avec en plus la moitié des musiciens qui sont déjà dans METAL URBAIN, ça ne sert à rien de nous abrutir avec ça.
Donc, on peut considérer que METAL BOYS et DOCTOR MIX sont désormais deux projets morts ?...
ERIC DEBRIS : Non, pas vraiment morts !
HERMANN SCHWARTZ : Ce sont des projets discographiques !
ERIC DEBRIS : Oui, éventuellement. Mais scéniques, non. On est tellement concentrés sur METAL URBAIN qu'on ne voit pas comment prendre le temps de faire d'autres trucs.


On a vu un de vos passages TV de 77 ou 78 dans l'émission "Aujourd'hui Madame" (!), et ma foi c'était assez amusant. Quel effet cela vous a fait, à l'époque, de passer dans ce type d'émissions ?...
ERIC DEBRIS : Eh bien à l'époque, il y avait au moins un avantage, c'était qu'on pouvait passer à la télé. C'était complètement décalé. Il y avait ce qu'on appelle des "variétés", il y avait de la musique un peu partout, un peu comme en Angleterre, où les PISTOLS sont passés chez Bill Grundy. A l'époque, on faisait venir les musiciens dans tout un tas d'émissions . La musique n'était pas cantonnée dans des robinets à clips, et donc elle existait sur les chaînes nationales. Mais aujourd'h'ui ça n'existe plus, dans tous les pays du monde, d'ailleurs. La musique a disparu des chaînes nationales depuis l'arrivée de MTV. C'est devenu très compartimenté, et donc cela a moins d'impact.

Metal Urbain, 1978
Sinon, qu'écoutez-vous comme musique, chez vous ?...
ERIC DEBRIS : Houla, j'écoute de tout ! Cela va de la musique classique au Reggae, au Jazz,au Rock, à la Techno Hardcore, etc ... Enfin, le Reggae, c'était il y a longtemps, car j'ai du mal avec les trucs récents. On essaye de ne pas se cantonner à un seul milieu. On a toujours été comme ça. Même à l'époque des débuts de METAL URBAIN, on écoutait du Punk Rock à titre documentaire pour voir ce que les autres faisaient. On ne l'écoutait pas vraiment par plaisir, et en fait, ce qu'on disait souvent à l'époque, c'est qu'on ne rapportait pas toujours tout à la maison, et qu'à la maison on écoutait des musiques que les autres n'écoutaient pas. On écoutait du Reggae, énormément de Soul, etc...
HERMANN SCHWARTZ : On fonctionne par périodes, en fait. Après nous sommes arrivés à mélanger des trucs, mais c'est vrai qu'on a eu une période Soul.
ERIC DEBRIS : Mais il y a certains types de musique qui finissent par dégénérer, un peu comme la Soul, justement. Quand on voit aujourd'hui les espèces de machins qui se disent "R'n'B", c'est n'importe quoi... Là, ça n'a franchement plus rien à voir avec la Soul.

Eh bien, un grand, grand merci à vous deux pour cette fort sympathique entrevue, ainsi que pour vos réponses à cette interview ! Je ne vais pas vous retenir plus longtemps, puisque vous devez vous préparer pour le concert de ce soir. Mais pour compléter l'entretien, j'ai aussi deux questions à poser à votre manager. David, le studio MIX IT, ainsi que les soirées récemment organisées pour le "PUNK CLUB", constituent des initiatives parallèles directement liées à METAL U. Peux-tu nous éclairer davantage à propos de ces autres aspects de vos activités ?
DAVID : Le Punk club, animé par Eric Débris aka Doctor Mix, Vanessa aka Poison Ivy et le V.J Stephane G., va bientot rejoindre tous les concerts de Metal U, qu'il complètera en seconde partie. Le principe du Punk Club est itinérant, allant de salle en salle, ou club, ou bar, parfois avec des jeunes groupes punks invités. La programmation est éclectique, De CAPTAIN BEEFHEART à PRIMAL SCREAM, en passant par les SEX PISTOLS ! Le revival Rock est partout, le revival Punk Rock est au Punk Club. On a pu entendre Eric Débris mixer aux Transmusicales de Rennes, plus récemment au Chéri(e) Café, au Batofar, au Pulp, et au Truskel. Ceux qui désirent que le Punk Club arrive chez eux peuvent nous contacter via cette adresse e-mail : info@lepunkclub.fr.st

Hermann Schwartz & Pat Lüger
2004
(Photo : David Fakrikian)
Le label SEVENTEEN RDS, dont tu t'occupes, a-t-il pour vocation de ne promouvoir que METAL U/METAL BOYS/Dr Mix, ou produira-t-il éventuellement les oeuvres d'autres formations ?...
DAVID : Le label Seventeen a pour fer de lance METAL U / METAL BOYS/ DR MIX, mais a pour vocation de produire aussi les oeuvres d'autres groupes. Parmi les sorties prévues, l'album des GUILTY RAZORS, (25 ans après son enregistrement !), l'intégrale des SEAGULL SCREAMING "Kiss Her Kiss Her", groupe punk garage japonais composé de deux filles, un best of de CORNELIUS, et bien d'autres encore... Par ailleurs, nous venons de lancer une section import, qui rendra disponible en france des titres garage punk non distribués jusqu'à présent, comme les CD des SCREAMERS, le nouvel album des SEEDS, le prochain album des DAMNED, etc...


Hermann Schwartz & Pat Lüger
2004
(Photo : David Fakrikian)
DISCOGRAPHIE
METAL URBAIN
* Single/45trs "Paris Maquis" / "Clé de Contact" (Rough Trade) 1977
* "Panik" / "Lady Coca Cola" (Cobra) 1977
* Single/45trs "Hystérie Connective" / "Pop Poubelle" (Radarscope/WEA) 1978
* LP compil "Les hommes morts sont dangereux" (Celluloid / Bizz Rds) 1981
* Double LP/CD compil "L'Âge d'Or" ( New Rose/Fan Club) 1985
* CD compil (US) "Anarchy in Paris" 2003
* Double CD compil "Chef d'Oeuvre" (Seventeen Rds) 2003

METAL BOYS
* Single/45trs "Sweet Marylin" / "Fugue for a darkening island" (Rough Trade) 1979
* LP "Tokio Airport" (Byzance/Celluloid) 1980

DOCTOR MIX & THE REMIX
* Single/45trs "No Fun" (Rough Trade) 1979
* Single/45trs "I can't control myself" (Rough Trade) 1979
* Maxi 45trs "Psychedelic desert" (Byzz Rds) 1980
* LP/CD "Wall of noise" (LP Rough Trade Rough 6/Celluloid/Byzz)
* Double LP/CD "Best of" (Bondage BR041) 1992



En prévision :

-Réédition vinyl limitée du LP "Les Hommes morts sont dangereux" (Seventeen Rds, 2004)
-Réédition CD de l'album "Tokio Airport" des METAL BOYS (Seventeen Rds, 2004)
-DVD METAL URBAIN Live + passages TV (2004 ?...)
-Nouvel album de METAL URBAIN (2004 ? 2005 ?...)

1 commentaire:

  1. Super entrevue !
    Merci beaucoup

    Cette année, d'ailleurs, je prévois de rendre hommage à MU !
    ça s'appellera NUMERO ZERO ! :-)

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