dimanche 3 juin 2018

GORGON : Interview 1999 [En français]

Depuis 1991, le commando GORGON n'a eu de cesse de persévérer en maintenant solidement ses positions sur le front de la scène Black Metal hexagonale, tout en lançant régulièrement de redoutables offensives sonores, chargées de rage démoniaque, à l'assaut des multiples citadelles du sectarisme, du conformisme et des stéréotypes musico-culturels.
Chris, fondateur et leader de cette obscure confrérie d'adorateurs de Méduse et autres monstruosités infernales, a bien voulu répondre aux quelques questions que lui a posées WARDANCE...

 

Entretien exclusif initialement publié dans le fanzine papier WARDANCE N°6, 
Automne 1999
Propos recueillis par Hanns Wehrwolf (Hans Cany)

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La composition du groupe a beaucoup changé depuis le début.
Qu'en est-il donc à l'heure actuelle ?

Chris : Effectivement, depuis le début, en 1991, les membres ont souvent changé. On en retrouve maintenant dans NECROMANTIC, SAMAEL (Suisse) et PENUMBRIAL ORB. Aujourd'hui, le line up est stabilisé autour de Cyril (basse), Eddy (batterie), Vanessa (clavier) et moi-même, Chris (guitare et vocaux). On essaie actuellement un nouveau guitariste pour renforcer l'impact et la puissance sonores.


Vous avez déjà réalisé trois albums, bien accueillis par le public et la presse alternative (fanzines). Pourtant GORGON, en dépit d'une renommée déjà bien établie, fait toujours figure de groupe "underground". Ce statut de grand nom de la scène underground française vous satisfait-il, et correspond-il à la "philosophie" du groupe ?

Chris : En effet, on est qualifiés de groupe underground et nos productions sont généralement appréciées, mais c'est plus une constatation qu'une volonté délibérée. C'est comme ça, et on ne va pas changer pour être plus acceptés du grand public. On est fidèles à notre conception musicale, et on évolue à travers elle. Certains, de par notre position, nous confèrent un statut de groupe "culte". Quelque part, c'est toujours plus gratifiant que d'être un groupe inconnu du public, et qui dure deux ans avant de splitter...


Musicalement, votre style se situe au point de jonction entre pur Black Metal et Thrash/Death de la "vieille école". Quelles ont été vos principales références et influences, le long de votre parcours ?

Chris : Les influences notoires se situent en fait davantage dans l'état d'esprit de certains groupes. on y retrouve le SAMAEL des débuts pour leur musique à la fois très lente (pesante) et rapide sur d'autres titres. A une époque, 1990-1991, le Black était presque toujours rapide, et l'arrivée de SAMAEL a beaucoup changé les choses. A cette période, les groupes de Death, de Black et de thrash allaient à toute vitesse, et il fallait un certain temps pour différencier les morceaux . Eux avaient le même don que leurs compatriotes de CELTIC FROST : composer des morceaux cultes, où dès les premières notes on reconnaissait le titre. Outre ces deux formations suisses, ainsi que VENOM et BATHORY pour leur apport au Black, IMPALED NAZARENE a également compté. Qualifiés de Black Metal, ils intégraient des éléments Death, Hardcore -voire Grindcore pour la batterie- sur des textes ne relevant pas que du Black. de plus, leur démarche visuelle a toujours correspondu à la nôtre : l'abolition progressive des règles orthodoxes du Black (clous, épées, maquillages...). Dans cette optique, il y a une plus grande franchise de la part des artistes. SAMAEL peut y être inclus aussi, d'ailleurs. Le visuel fait vendre, mais on reste fidèles à nos conceptions, pas de surenchère visuelle pour vendre plus de CDs et être dans la masse. GORGON a toujours eu ce besoin de se détacher de la masse, par la croisée musicale que tu notes, mais aussi par le visuel et par l'esprit d'honnêteté vis-à-vis du public. Pour conclure, je citerai encore deux autres groupes qui ont compté pour nous : THE EXPLOITED et CARNIVORE. Mélange de Metal et de Hardcore Punk, leurs morceaux dégageaient une puissance qui en faisait des titres cultes, comme dans le cas des trois groupes cités précédemment. Pour eux aussi, pas de plan démonstratif et technique, pas de contrainte visuelle, juste des groupes au service de leurs oeuvres. C'est cet état d'esprit qu'on a dans GORGON.


Un de vos flyers proclame que GORGON déclare la guerre aux "groupes de Black Metal pseudo-vampirique"... Peux-tu expliciter et développer le sens de votre message ? Vise-t-il certains groupes "stars" tels que CRADLE OF FILTH et consorts, par exemple ?

Chris : Le Black Metal est gangréné depuis un bon bout de temps par tous ces groupes parasites qui pensent que jouer du Black, c'est "cool"... En 1991-92, 95% des groupes étaient satanistes (normal), en 1993-94, ils sont tous devenus païens. Peu après, on n'a vu arriver que des groupes qui se proclamaient guerriers du Grand Nord, descendants des Vikings avec des marteaux de Thor et des épées partout - c'était à l'apogée de la scène scandinave. Puis la mode des vampires est apparue, avec son lot visuel de formations toutes plus ou moins grotesques. demain il se passe quoi ? Tous les groupes deviennent des trolls ou des Gremlins ?? ce manque de personnalité est la visée de ce tract.
Au sujet de CRADLE, je ne les écoute pas, mais je n'ai rien contre eux. Il y a une exploitation outrancière de leur image à des fins financières, OK, mais de par leur statut de groupe plus ou moins précurseur dans ce trip (avec aussi NECROMANTIA), je les respecte. Exceptée leur deuxième démo qu'ils m'avaient envoyée à sa sortie, je ne possède rien d'eux, d'ailleurs. Ceux qui leur ont emboîté le pas sont condamnables à mon avis, ne serait-ce que pour leur manque d'imagination, et donc de crédibilité. Comment nous faire croire que tous ces groupes baignaient dans le Black ou le vampirisme avant, alors qu'on n'en avait jamais entendu parler ?...





Parle-nous un peu du contenu de vos textes, de vos inspirations conceptuelles, s'il te plait...

Chris : On traite de tout ce qui touche au côté sombre : de la mort, de la sorcellerie, du satanisme et de l'occultisme en général, de la guerre, de ce qui est inexplicable... Pour cela, on a recours à une base "officielle" sur laquelle on bâtit une histoire. Ce peut être le personnage breton de l'Ankou, ou l'existence constatée de ce qui est appelé la "danse des cercueils" dans les cimetières. Pour développer un titre en particulier, je choisirais le morceau "In Another Sea", présent sur notre second album. Le texte est parti de la théorie selon laquelle les bateaux qui disparaissent en mer sans laisser de traces -comme le "Manureva" d'Alain Colla si certains s'en souviennent, mais peu importe l'exemple- sont en fait passés par une "porte", dans un autre monde, et naviguent ainsi sur une autre mer, disparaissant donc de nos frontières physiques connues.


Dernièrement, certains groupes on eu quelques ennuis avec la "Justice" de notre beau pays "démocratique", en raison -ou plutôt sous prétexte- des paroles de leurs chansons. Vous sentez-vous visés par cette démonstration de force de la censure d'Etat et des gardiens du politiquement correct ?

Chris : Non, on fait juste attention à ce qu'on écrit, c'est tout. pour cela, on s'est censurés nous-mêmes sur un morceau de notre dernier album. Sur ce fameux titre, "Time to murder your family", on traitait de ce que le titre veut dire, et cela tombait sous la condamnation d' "incitation au meurtre/à l'homicide volontaire"... En France, on peut parler de profanations, d'incendies d'églises, de mutilations, d'actes sexuels avec tous les saints imaginables de l'Eglise catholique ou même Jésus... ou de toutes autres choses aussi réjouissantes. D'autres thèmes sont réprimés, il est vrai... dans le contexte de GORGON, néanmoins, on n'est pas confrontés au problème que tu évoques. On fait attention, OK, mais on a une large liberté de manoeuvre quand même. Par contre, les groupes qui dénoncent le pouvoir politique en place, les médias ou bien des ennemis bien définis, eux, mènent un autre combat. Des ennuis juridiques leur tomberont dessus, pour protéger les intérêts de ceux qui tiennent les rouages de la Justice, par l'argent. La liberté artistique doit-elle s'effacer devant eux ?...


Comment les styles culturels et musicaux à connotation sombre voire "diabolique" sont-ils perçus dans votre région ?

Chris : Le Black Metal qu'offrent les artistes des gros labels est bien apprécié ici (DARK FUNERAL, MARDUK, CRADLE OF FILTH, IMMORTAL, IMPALED NAZARENE en particulier). Il n'y a par contre aucune mentalité underground autour de nous, sur la Côte d'Azur. A titre d'exemple, il n'y a aucun fanzine, ni radio, ni petit distributeur -les deux qui existaient ont cessé leurs activités depuis deux ou trois ans. Pour finir et pour leur faire de la pub, je vais citer les quelques groupes locaux qui rentrent dans la mouvance que tu évoques : NECROMANTIC, LUNAE DIES et BLOODY TEARS. Les amateurs de Gothic/Batcave utilisant l'imagerie vampirique/dark étaient plus présents il y a quelques années ici, avec la présence de CORPUS DELICTI sur Nice.




Etes-vous davantage un groupe de studio, un groupe "à albums", ou plutôt un groupe scénique ? Quelles places occupent respectivement chez vous ces deux pôles d'activité ?

Chris : Ces deux éléments sont indissociables de GORGON. on compose des morceaux dans l'optique live. On cherche à y inclure une certaine puissance qui se dégagera déjà sur disque. Sur scène, on rajoute plein de choses -sonores et visuelles-, de façon à enrichir notre présentation. Tous nos concerts sont différents, et pour continuer dans cette optique, on travaille régulièrement de nouvelles idées. Cela peut se traduire par une reprise du groupe BOMBERS (qu'on a jouée une fois en 1994) ou de THE EXPLOITED (en 1997), avec une personne extérieure au groupe à chaque fois au chant. On a aussi repris du BURZUM et du VENOM avec le bassiste au chant, joué avec une projection de films d'horreur derrière nous en 1993, baptisé notre premier public avec du sang début 1992, fait un "boeuf" avec les membres de COUNT NOSFERATU et LUNAE DIES sur "Countess Bathory" à la fin d'un concert début 1997... Autant chaque concert donne lieu à des souvenirs particuliers -dont on peut voir une partie sur le clip CD Rom de notre troisième album-, autant le studio a ses bons souvenirs aussi. Pour l'anecdote, je pourrais citer l'enregistrement du dernier album, qui a été interrompu en pleine séance par l'équipe du dernier film de Jean Reno (présent sur les lieux) et de De Niro. Ils avaient besoin du studio pour visionner des rushs du tournage. On a aussi enregistré, lors du premier CD, des titres inconnus du public et des reprises studio de VENOM et de BURZUM, jamais sorties à ce jour...


A présent, que comptez-vous faire dans l'immédiat et à long terme ?

Chris : On va continuer à promouvoir le dernier CD, et composer pour un futur enregistrement (cinq titres sont déjà prêts, avec des surprises dans leurs contenus). On va aussi se décider sur le choix du deuxième guitariste, le former, et en parallèle on va continuer les concerts. On doit aussi apparaitre sur une compilation CD jointe avec un nouveau magazine, dans lequel on est interviewés. Tout est fait, on attend sa sortie. Je ne peux rien dire de plus pour l'instant...


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