lundi 6 juin 2011

RADIO STARS / Martin Gordon : Interview (2006) VERSION FRANCAISE

RADIO STARS
interview exclusive avec
Martin Gordon
 
Beaucoup trop souvent oubliés et sous-estimés, les RADIO STARS étaient pourtant un excellent groupe Powerpop/Punk'n'roll qui mérite d'être reconnu comme l'une des plus remarquables références de la scène 77 britannique.
Par conséquent, je suis heureux de vous présenter une interview avec leur ancien leader !



Interview exclusive de Martin Gordon par Hans Wehrwolf,
pour WARDANCE.NET
Réalisée le 27 août 2006
 
Hell-o Martin ! Peux-tu s'il te plait nous rappeler brièvement la biographie des RADIO STARS ainsi que le line up du groupe, tout particulièrement pour les lecteurs les plus jeunes qui n'ont peut-être jamais entendu parler de toi auparavant ?...
Eh bien, moi j'écrivais les morceaux, je produisais les disques, et je jouais la basse ainsi que le clavier. Il y avait un chanteur sauteur, du nom de Mr Hemisphere, et un guitariste qui ressemblait assez au roi Richard III, mais qui était en fait quelqu'un d'autre. A la batterie, il y a eu une série de batteurs tous plus révoltants les uns que les autres, la plupart ayant rendu l'âme après toute une série d'incidents liés à leur incapacité à rester dans le rythme, à l'exception du premier, Chris Townson. Il avait aussi été membre d'un de mes précédents groupes, du nom de JET, de même que le chanteur Mr Hemisphere et le guitariste Mr King. En fait, ce précédent groupe JET était en tous points identique aux RADIO STARS qui lui ont succédé, sauf au niveau des pantalons que nous portions.
Comme tu m'as parlé du légendaire morceau "Dirty Pictures", souvent imité, jamais supplanté et garanti rentable, je dois hélas t'informer du fait qu'il a en réalité été enregistré par les quatre musiciens en question alors qu'ils se nommaient encore JET. Comme personne n'en avait rien à foutre -en fait mon ancien manager m'avait dit "ne gardez pas ce morceau-là, il est mauvais"- j'ai décidé qu'au lieu de virer ce morceau j'allais le virer lui, et que j'allais changer le nom du groupe par la même occasion. C'est ce qui s'est plus ou moins véritablement passé.

Plus tard sont survenus d'autres ajouts et changements de personnel. Chris Gent nous rejoignait souvent pour les vocaux et le saxo, Trevor White nous a rejoint à la guitare et aux vocaux, jusqu'à ce qu'il finisse par préférer faire le travesti (une triste histoire), Hugh McDowall du groupe THE ELO a fourni les parties de violoncelle, Paul Jones a occasionnellement fait de l'harmonica, Graham Chapman a apporté sa contribution pour l'étrange voix-off, et Anthony Sher a joué Shylock. L'ensemble était dirigé en son temps par Peter Brook.

Le groupe s'est séparé en 1980 lorsque je me suis pris un bon coup dans les dents. Mr Hemisphere a rameuté quelques autres membres et a tenté de continuer mais le public n'a pas du tout suivi, ce qui est compréhensible.

A présent, comme tu l'as tout spécialement demandé, quelque chose pour les plus jeunes lecteurs qui n'ont jamais entendu parler de moi :

“Hello, younger readers who have never heard of me ! It’s me, Uncle Martin ! Look at my big trunk ! It goes Tarrahh ! Tarrahh ! Tarrah ! And all the big nasty animals in the dark dank forest run fastly away away run run run flee flee cos he is very BOG and FRIGHTFUL ! Let’s hide so he cannot see us ! Hide here, hide there, hide everywhere !”
(etc,etc. J'espère que ça suffira, il est bien connu qu'ils ont une capacité d'attention très limitée de toute façon, à cause de McDonald's, des sucreries, de MTV, des narcotiques, et de 97% de la Pop music grand public).
 
Andy & Martin
Comment et pourquoi avoir décidé de former ce groupe, au départ ?
Pour éviter de me lever tôt le matin, j'ai d'abord rejoint un groupe Pop dénommé the SPARKS. J'ai été soulagé non seulement de mon problème de lever matinal, mais aussi de mes royalties lorsqu'ils m'ont viré un an plus tard. Je suis alors retourné me coucher, puis j'ai fini par émerger histoire de passer une annonce dans un journal musical, disant que j'étais prêt à me lever pour toute offre convenable qui pourrait m'être faite. Chris Townson m'a téléphoné, ce qui était un peu bizarre vu que nous nous connaissions déjà. Il a suggéré qu'on forme un duo basse + batterie. Comme nous n'étions que deux, lui à la batterie et moi à la basse, cette formule m'apparaissait alors -et c'est toujours le cas- comme l'expression la plus aboutie du réalisme et du pragmatisme. De façon claire, la définition de buts accessibles n'était pas un problème pour ce magicien des percussions. Mais très rapidement, l'intérêt de ces longs duos de basse et de batterie a disparu, tout comme d'ailleurs les cambrioleurs qui lui ont volé sa batterie. Nous nous sommes donc alors retrouvés avec juste la basse en solo, ce qui, même avec la meilleure volonté du monde, n'avait pas un énorme potentiel commercial. Même nous, nous nous en rendions compte. Pleinement conscients d'être pris entre Charybde et Scylla, nous avons fait appel à un chanteur (Mr Hemisphere) et à un guitariste du nom de Turnip O'Head. Le chanteur portait un anorak vert, le guitariste s'habillait de couleur prune, prétendant qu' il était fortement influencé par les tranquilisants pour éléphants. Peu importait, en peu de temps nous sommes tous devenus fortement influencés par les grosses sommes de fric que CBS nous priait avec insistance d'accepter de leur part, même si ce nétaient pas eux en personne, et même si en fait ce n'était pas vrai. Donc nous nous sommes plutôt cotisés entre nous.

Après nous être déguisés sous une grande variété de costumes, après avoir fait un disque, effectué une tournée avec des amis de DAVID BOWIE puis nous être retirés à la campage pour faire le point, nous avons réussi à trouver un management et une maison de disques dans la même semaine.
Le guitariste a cherché à faire plus de morceaux avec moins d'accords. Et le joueur de synthé a décidé de ne plus nous suivre. (Là, je réalise avec retard que je n'avais pas mentionné le synthé jusqu'à présent dans ma chronologie du groupe. Mais cet oubli est peut-être révélateur de l'importance de son rôle).
Il est parti se lancer dans une carrière florissante d'imitateur de Heinrich Himmler, en jouant du synthé pour Barry Manilow.
C'est à ce moment que nous sommes devenus les RADIO STARS, c'est sacrément évident, je ne sais pas pourquoi je vous ennuie avec ça.
 
Radio Stars, 1977
Pourquoi avoir choisi ce nom de RADIO STARS ? C'était ironique, ou bien...?
 
Je ne vois pas ce que tu sous-entends par "ironique". Comme je l'ai souvent raconté, on avait présenté une longue liste de noms à la maison de disques. Et ils en ont sélectionné un au hasard selon le principe de la plus grande intégrité artistique , en réponse à la question d'un journaliste inconnu à propos de quelque chose qui n'avait strictement rien à voir, probablement quelque chose comme "à quelle heure ouvrent les pubs ?".
A cette époque, les RADIO STARS étaient considérés comme un groupe Punk Rock à part entière, et aujourd'hui le groupe est toujours assimilé à la scène 77 originelle. Pourtant, votre musique était assez atypique pour un groupe Punk Rock, puisqu'elle comprenait beaucoup d'éléments R'n'R classiques, de même que de fortes touches de Pop et de Glam. En fait, on pourrait être tenté de dire que les RADIO STARS étaient davantage un groupe "Powerpop" (punk) qu'un groupe "Punk Rock" au sens habituel du terme. Quelles étaient vos influences exactement, et acceptes-tu cette classification ?
Je faisais ce que j'ai toujours fait, bien ou mal, et j'ai laissé le soin à ceux que ça intéressait (s'il y en a) d'en débattre, de le définir, de le catégoriser, ou de l'ignorer. Toutes ces réponses sont les bienvenues, à des degrés plus ou moins forts. Et mon oeuvre d'aujourd'hui est fondamentalement la même que ce qu'elle a toujours été, juste un peu meilleure.

Les influences ? Eh bien des trucs normaux, vraiment : le loyer, la bouffe, l'électricité, et les économies faites pour acquérir un petit cottage à la campagne, avec un chien et demi et vue sur la mer.
Avec quels autres groupes plus ou moins connus de cette époque aviez-vous joué ? Est-ce que vous vous entendiez particulièrement bien avec certains d'entre eux ?
Personnellement, je ne me suis jamais entendu avec personne, je trouvais que c'étaient tous des salopards. Ou des idiots. Ou assez souvent, les deux.
 
Une question stupide à présent : je me suis toujours demandé de quoi parlaient exactement le texte de votre morceau "No Russians in Russia"... Peux-tu nous en dire plus à ce sujet ?
Eh bien, une question stupide mérite une réponse appropriée, comme disait ma vieille mère. Cela venait de la couverture d'un magazine satirique anglais qui s'appelait "Private Eye". L'ancien président américain Gerald Ford avait affirmé que l' URSS ne contrôlait pas l'Europe de l' Est, et par la suite avait dit qu'on avait déformé ses propos. J'ai repris le gros titre de la bande dessinée de "Private Eye" à propos de cet incident, et j'en ai fait une chansonnette Pop avec, de façon intéressante (pour moi du moins), des couplets en premier, puis le milieu, et finalement des choeurs, en un genre d'interprétation simultanément "micro" et "macro" de la sensibilité Pop. Non, vraiment...
Quand tu jettes un regard sur le passé, quels sont tes meilleurs et tes pires souvenirs ? When you look back at the past, nowadays, what are your best and your worst memories ?
Mon meilleur souvenir est d'avoir joué de la basse avec les STONES (voir davantage à ce sujet sur mon site web). Mon pire souvenir, c'est la dernière tournée des RADIO STARS, et le comportement vraiment désagréable du reste du groupe envers moi, lequel m'a carrément ulcéré.
 
Les RADIO STARS ont fait un concert de reformation pendant le festival punk "HOLIDAYS IN THE SUN" à Blackpool, en 1996. As-tu apprécié cette expérience ? C'était comment ?
Oui, ce fut une expérience très appréciable, fondamentalement parce que je n' étais pas impliqué là-dedans. J'ai vraiment apprécié de ne pas me pointer au concert, j'ai adoré de ne pas avoir à jouer de morceaux affreux composés par Anne Elephant, je me suis absolument réjoui de ne pas avoir été payé après, j'ai adoré qu'on ne me crache pas dessus, j'ai savouré le fait de ne ne pas endurer le voyage de six heures pour rentrer chez nous à la fin, etc. En fait, l' épisode dans son ensemble a été une expérience exaltante dont je me souviens avec un plaisir démesuré, et je n'hésiterais certainement pas à ne pas m'y impliquer non plus si quelque chose de ce genre se produisait de nouveau.
As-tu déjà projeté de reformer les RADIO STARS, et peut-on espérer de nouveaux concerts voire des enregistrements, un jour ou l'autre ?...
Non.
Enfin, même si j'ai dit "non", je devrais peut-être dire "peut-être", vu qu'il se peut qu'il y ait un concert unique un peu plus tard cette année (2006) à Londres, pour supporter la réédition des deux CDs des RADIO STARS. Cela serait, naturellement, lié de façon très proche à l'un de mes concerts. La nature exacte de la chose reste à déterminer.
 
Comme tu viens de le dire, les 2 albums originaux des RADIO STARS,"Songs for swinging lovers" et "The Holiday album", ont tous deux été réédités sur CD cette année. Cependant, il se pourrait que certaines personnes soient surprises par deux faits : ces CDs sont sortis en pochettes cartonnées, et "Dirty Pictures", qui est pourtant l'un des plus grands hits du groupe, n'apparait pas sur "Songs for swinging lovers". Peux-tu nous dire pourquoi ?...
"Dirty Pictures" ne figure pas sur le nouveau CD "Songs For Swinging Lovers" parce que ça n'a jamais été le cas, du moins sur l'édition originale britannique du LP. Il y a eu une édition européenne (car comme chacun sait, la Grande Bretagne n'est pas en Europe), et c'était sur cette version que le morceau apparaissait. Mais, pour suivre une éthique à la Beatles consistant à ne pas inclure de singles sur les albums, nous avons décidé de ne pas mettre le premier single (ou plutôt les morceaux du EP "Stop it") sur le premier album.
Il faut préciser, cependant, que "Dirty Pictures" et tous vos autres morceaux préférés des RADIO STARS sont disponibles sur l'album-compil "Somewhere There’s A Place For Us", qui comprend une reformation exceptionnelle du groupe pour reprendre le morceau-titre.
Ace Records, qui est en fait Chiswick Records "déguisé", a décidé de maintenir l'authenticité en n'incluant pas de titres bonus et en réutilisant l'artwork originel, et c'est pourquoi les CDs sont réalisés en pochette cartonnée façon LP miniature.
J'avais suggéré d'inclure une loupe avec chaque CD mais, par égard pour les détenus des camps chinois qui auraient volontiers fourni ces articles, il a été décidé d'abandonner ce projet. Tant pis pour la solidarité avec les masses populaires.






 
 
Possèdes-tu toujours du matériel inédit, des démos, des enregistrements live ou vidéos ? Si oui, y a-t-il une chance de les voir officiellement réalisés, un jour ou l'autre ??
En fait il existe une certaine quantité d'enregistrements studio inédits (et là, je fais référence à ma propre période au sein des RADIO STARS, pas à la version ultérieure du groupe menée par Anne Elephant) ainsi que des John Peel sessions et des enregistrements live. Il existe aussi des passages TV. J'ai suggéré à Ace Records d'inclure en bonus des trucs inédits sur les 2 récentes rééditions des RADIO STARS, mais ils voulaient s'en tenir à l'authenticité, cela revient beaucoup moins cher à long terme. Donc, peut-être qu'il faudra sortir autre chose pour tout ceci.
Parlons un peu de ce que tu fais aujourd'hui, à présent. Ton projet solo, sous ton propre nom, sonne de façon très différente. D'après toi, est-ce que cette orientation solo a un quelconque rapport avec ton implication pasée au sein des RADIO STARS ou pas ?
En ce qui me concerne, ma musique a toujours été la même, et elle ne l'a jamais été autant qu'actuellement. A certaines occasions, des journalistes mesquins, pinailleurs, ont maugréé que ma musique n'était que partiellement ou momentanément la même, mais je pense qu'avec l' inévitable passage du temps (sans parler de ses ravages), ma musique n'a jamais été davantage la même que celle que je fais aujourd'hui. J'espère que cela répond à ta question. Dans une certaine mesure, en tout cas.

Sur mon premier CD solo "Baboon in the Basement", il y a deux morceaux des RADIO STARS ("Greenfinger" et "Hit Him On The Head With A Hammer"), et sur le récent "How Am I Doing So Far ?’’, il y a "Girls Fight Over Me", une autre chanson tardive (1982) des RADIO STARS. Je ne sais pas pourquoi je te dis ça. Je ne dirai rien de plus à ce sujet, et je te fais confiance pour que cette information reste confidentielle entre toi et moi.

Ce que je fais maintenant , ce n'est ni plus ni moins que ce que j'essayais de faire auparavant, mais maintenant je m'en sors mieux, et j'ai trouvé d'autres musiciens aux compétences similaires.
 
Martin Gordon, 2004
Quels sont tes goûts musicaux personnels, en "vieux" groupes comme en artistes actuels ?
Vieux: Miles Davis, Mahavishnu Orchestra, George Formby, Noel Coward, Frank Zappa, Beatles. Actuels: System of a Down, Perry Blake, Enders Room, King Crimson.
J'ai vu que Bob Dylan a dit qu'il n'avait rien contre les gens qui téléchargent de la musique sans payer les créateurs pour cela, car "la majorité de la musique moderne ne vaut rien, de toute façon". Et il a foutrement raison...
Quels sont tes projets, maintenant ?
Nous venons de réaliser le Best of ("How Am I Doing So Far ?"), le coffret ("Mammal Trilogy"), un livre ("the Companion to God’s On His Lunchbreak", disponible sur mon site), ainsi que les rééditions CD des RADIO STARS chez Ace Rds. Là, je travaille sur la quatrième partie de la "Mammal Trilogy", donc je pense que je ne vais pas tarder à faire une pause. "Mammal IV: Impossible" devrait sortir début 2007.
Eh bien, merci beaucoup pour cette interview !
As-tu quelque chose à ajouter, pour conclure ?...
Ole ! Ariba ! Eat more fish ! Buy my records ! Maschi maschi ! Achtung Spitfeuer !
 
(Artwork ci-dessus par http://graphikdesigns.free.fr )
Site officiel de Martin Gordon :

http://www.martingordon.de/

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Commenter cet article / Comment this article :

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.